Le Monument aux Morts de Tonnay-Charente

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Son édification :

Au cours de l’année 1920, à l’instigation de l’État et à l’instar de nombreuses communes de France, la municipalité de Tonnay-Charente décide d’ériger un Monument aux morts «  à la mémoire des enfants de la commune tombés au Champ d’Honneur ». Le projet est confié à une commission présidée par M. Guyard et le 30 août 1920, le Conseil municipal vote un crédit de 7.000 francs qui vient s’ajouter aux 13.195,15 francs d’une souscription publique et aux 1.000 francs de la participation du département.

Après avoir fait réaliser un projet par M. Jean-Gaston Adoue, architecte de l’École des Beaux-arts de Paris, demeurant à Bordeaux, M. Guyard présente les plan, maquette, cahier des charges et devis du monument au cours du conseil municipal du 21 mars 1921. Le coût s’élevant à 23.500 francs, il demande que la participation de la commune soit portée de 7.000 à 9.500 francs. Il propose en outre que le monument soit édifié à l’emplacement de la porte romane de l’église. Cette dernière proposition est rejetée et le Conseil décide que le monument sera placé à l’angle du square de l’église. Il rappelle en outre « que selon l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905, il est interdit d’élever ou d’apposer aucun signe ni emblème religieux sur les monuments publics » et que le projet soumis au Conseil comportant un emblème religieux n’aurait pas l’approbation de la Préfecture. Le Conseil appelé alors à se prononcer sur le projet présenté par M. Guyard, le rejette par 9 voix pour,  8 voix contre et 2 bulletins nuls. Le rapporteur donne alors sa démission et la question du monument est ajournée sine die.

Le 12 mai 1921, le Conseil municipal demande au Maire M. Garnier nouvellement élu, de reprendre contact avec M. Adoue afin qu’il réalise dans les plus brefs délais un nouveau projet, d’un coût moins élevé, convenant à l’emplacement choisi et ne comportant aucun signe ou emblème religieux. Dans une lettre adressée au maire le 18 juin, M. Adoue propose un nouveau projet avec une esquisse aquarellée et le descriptif  du monument, pour un montant de 19.909 francs, 98.

Le 21 juin 1921, ce projet est accepté à l’unanimité par le Conseil municipal, à la seule réserve que le casque lauré du poilu soit remplacé par un casque de campagne et la commission du monument aux morts est convoquée le 23 juin 1921 pour approbation du projet.

Lors du Conseil du 17 août 1921, le Maire expose que la souscription publique n’ayant rapporté que 12.173 francs, 65, la somme votée par le Conseil ne couvre pas le montant de la dépense et qu’il y a lieu de demander les subventions du département et de l’État.

Le 22 mars 1922, dans une lettre adressé au maire, M. Adoue l’informe que le monument sera taillé et sculpté à Bordeaux par M. Mora, sculpteur, et porté à Tonnay-Charente vers le 15 avril « où se feront  les dernières retouches ». Il demande de lui fournir « la liste très exacte des noms à inscrire et le libellé de l’inscription devant figurer sur le socle au pied du poilu » le monument devant être en place fin avril.

Le 6 octobre 1922, le Conseil municipal décide que l’inauguration du monument aura lieu le dimanche 29 octobre 1922 à 14 heures et qu’à l’issue de la cérémonie un vin d’honneur sera offert sous les Halles aux invités et aux sociétés convoquées. Il est décidé que, compte tenu du caractère intime de la cérémonie, aucun parlementaire ne sera invité et il charge MM. Garnier, Oré, Grangé et Mailhetard de se rendre à La Rochelle pour demander à M. le Préfet de bien vouloir présider cette inauguration.

 

Descriptif et symbolique :

Voici le monument tel que l’a pensé l’architecte M. Adoue et tel qu’il le décrit dans sa lettre au Maire du 18 juin 1922.

Le Monument aux Morts de Tonnay-Charente

« Le  poilu,  représenté les mains appuyées sur son fusil dans une attitude calme et fière, sans être belliqueuse, a le pied appuyé sur un casque prussien et semble dire : - Voilà ce que j’ai fait de l’ennemi que cela serve de leçon à quiconque tenterait de m’attaquer. Sentinelle à son poste, je suis là, je veille à la sécurité des vivants et au respect des morts. Je suis le gardien du souvenir -. Ce, pendant que le coq gaulois, campé sur ses ergots, lance vers le ciel son cri de victoire. Hymne pieux aux disparus, chant d’allégresse aux vainqueurs. Sur les quatre angles de la pyramide, des chutes de feuilles de chêne et de laurier, symbole de force et de gloire, puis des palmes gravées et trois plaques de marbre destinées à recevoir chacune 50 noms (soit 150) ».

Ce descriptif mérite cependant quelques remarques. Le pied du poilu ne repose pas sur un casque prussien mais sur un bloc de pierre. Quant au corps du monument, on ne peut parler de pyramide mais plutôt d’obélisque.

Les fondations du monument ont été faites aux frais de la commune de Tonnay-Charente par l’entreprise Veuve Gros pour un coût de 2.988 francs, selon les données établies par M. Adoue et les plans de l’architecte de la ville de Rochefort, M. Lavoine.

Le monument construit en pierre statuaire de Lavoux, mesure 2 mètres 20 à sa base et 5 mètres de hauteur. Le poilu, quant à lui, mesure 1 mètre 90.

Enfin, la grille qui entoure le monument a été réalisée par M. Carré, entrepreneur de serrurerie à Tonnay-Charente pour un coût de 2.280 francs.

 

L’inauguration :

Elle a eu lieu le 29 octobre 1922. En voici le compte-rendu tel qu’il figure dans le registre des délibérations du Conseil municipal.

Aujourd’hui 29 octobre 1922 a eu lieu devant une foule nombreuse et sous la Présidence de Monsieur le Préfet de la Charente-Inférieure, l’inauguration du monument sur lequel figurent les noms de 160 enfants de la commune qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la Patrie.

Assistaient à cette cérémonie MM. Garnier, Maire, Oré 1er adjoint, Bitteau 2ème adjoint, le Conseil municipal, le Sous-préfet de Rochefort, Mailhetard Conseiller général, Grangé, président du Conseil d’Arrondissement, Bruneteau, Conseiller d’Arrondissement, les membres du comité, Jean Gaston Adoue, architecte de l’École Nationale des Beaux arts de Paris, Mora sculpteur chargé de l’érection du monument, les fonctionnaires, les Maires des communes du canton, les enfants des écoles et les diverses sociétés de la Ville avec leur drapeaux.

Des places avaient été réservées aux familles des morts et disparus. Plusieurs discours ont été prononcés par MM. Guyard, Président du Comité, Garnier, maire, Bruneteau, Grangé, Mailhetard, Palmade et M. le Préfet.

Après la cérémonie, pendant laquelle la société musicale « La Lyre » a prêté son gracieux concours, les invités se sont rendus sous les halles aménagées pour la circonstance où un vin d’honneur leur fut offert par la Municipalité.

 

Le Monument aux morts dans son environnement initial.

Le Monument aux morts dans son environnement initial.

 

Les inscriptions :

Prévu pour 150 noms, le monument en comporte 160. Classés par ordre alphabétique, ils sont répartis sur trois plaques.

Alors qu’en 1922, la liste des Morts pour la France aurait dû être clairement établie,  neuf noms ont étés ajoutés, ceux de Bontemps Maxime et de Brisard Joseph en haut de la première plaque, ceux de Drouillard  René et Guilloteau Henri, en haut de la seconde plaque, ceux de Maynard Fernand et de Pragout Adolphe en haut de la troisième plaque et ceux de Jallet Eugène, Vieuille André et Praud Antonin en bas de celle-ci.

Inscriptions

 

Les  noms sont parfois mal orthographiés et les prénoms ne sont pas toujours ceux de l’état civil quand ils ne sont pas erronés.

On ignore les critères retenus pour le choix des noms gravés sur le monument et aucun document s’y référant n’existe dans les archives communales. On pourrait toutefois s’attendre à n’y voir figurer que ceux dont la mention «  Morts pour la France » est portée sur l’acte de décès. Il n’en est rien.

Pour une majorité, l’inscription est tout-à-fait légitime :

  • Ils sont nés à Tonnay-Charente, s’y sont mariés parfois
  • Ils y ont été recensés
  • Ils y résidaient au moment de leur décès
  • Ils ont bien été reconnus « Morts pour la France »

 

Pour certains, elle est plus contestable :

  • nés dans une autre commune voire un autre département,
  • ne se sont pas mariés à Tonnay-Charente, n’y ont pas eu de descendance et n’y étaient pas domiciliés en dernier lieu,
  • n’ont pas été reconnus officiellement « Morts pour la France ».

 

Pour d’autres enfin, la raison de l’inscription est une énigme.

Certains figurent sur plusieurs monuments aux morts de la Charente-Maritime ou d’autres départements.

Enfin, six, que nous appelons « Les oubliés », reconnus « Morts pour la France » et dont le décès a été transcrit à la mairie de Tonnay-Charente ne figurent pas sur le monument.

Mise à jour le Jeudi, 21 Novembre 2013 14:11